Imprimer cette page
Sous Macintosh -> "pomme+P"
Des électrodes pour un TOC ?
Les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs, TOC, sont sous l’emprise de pensées obsédantes et de comportements répétitifs.
Ces anomalies résulteraient d’une activité anormale de certains circuits cérébraux fonctionnant en boucle, si bien que l’on envisage d’enrayer ce processus en implantant des électrodes à des points clés de cette boucle.
À Bordeaux, une équipe de psychiatres, neuro-chirurgiens, neurophysiologistes, neuro-psychologues et neurologues vient de réaliser l’implantation d’électrodes dans le cerveau d’un patient atteint de troubles obsessionnels compulsifs résistant à tout traitement. Les électrodes stimulent un centre cérébral nommé noyau accumbens, et régularisent l’activité d’un ensemble de structures cérébrales qui lui sont reliées. Outre l’amélioration notable de l’état du patient, cette étude est riche d’enseignements sur les bases cérébrales des troubles obsessionnels compulsifs.
Ce patient avait tout essayé avant de se rendre au Service de Psychiatrie du Centre Hospitalier Charles Perrens de Bordeaux. Les traitements habituellement proposés, à base d’antidépresseurs prescrits à forte dose, n’ont donné aucun résultat. Les psychothérapies non plus. La plupart des patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs sont sujets à des « rituels », par exemple se laver sans cesse les mains, passer l’aspirateur, vérifier que la porte est bien fermée. Ces actes répétés durent plusieurs heures par jour et empêchent toute vie sociale.
Une intervention neurochirurgicale a finalement été décidée, avec l’accord du patient, pour atténuer ces troubles.Selon Pierre Burbaud, de l’Unité mixte CNRS 5543, les patients sujets à ces comportements sont dans une logique d’erreur permanente. Il nous arrive à tous de croire avoir fait une erreur, d’avoir oublié de fermer le gaz ou la porte, et, dans ce cas, une zone cérébrale nommée cortex orbitofrontal s’active ; mais lorsque nous vérifions que tout va bien, le message d’erreur s’éteint. Chez les patients victimes de TOC, cette zone s’active en permanence, car elle fait partie d’une boucle neuronale qui tourne en circuit fermé, plusieurs heures par jour.
Cette boucle de l’erreur est constituée schéma-tiquement de quatre maillons : le cortex, le noyau accumbens, le pallidum et le thalamus. Le point d’intervention a été choisi : ce sera le noyau accumbens. Pourquoi ? Le thalamus a beaucoup d’autres fonctions qui ne doivent pas être perturbées, et les zones du cortex sont trop vastes pour être stimulées au moyen d’une seule électrode.
« Les résultats obtenus après l’opération sont positifs, commente Bruno Aouizerate, du Centre Hospitalier Charles Perrens de Bordeaux. Le patient était auparavant invalidé par huit heures quotidiennes d’idées fixes et de comportements compulsifs. En outre, un état dépressif profond était associé à ces troubles, car les deux pathologies partagent des circuits cérébraux communs. Dans la dépression, la boucle comportant les cortex orbitofrontal et cingulaire provoque le retour des idées fixes, souvent associées à des émotions négatives. Aujourd’hui, le patient ne doit plus endurer qu’une heure d’obsessions par jour, un soulagement immense pour lui et son entourage. »
L’implantation de l’électrode stimulatrice a nécessité dix heures d’intervention. Les chirurgiens ont introduit la sonde en enregistrant l’activité neuronale des régions traversées, pour s’assurer qu’ils étaient sur le bon chemin. Le noyau accumbens atteint, ils y ont implanté l’électrode. Cette dernière est reliée à une batterie greffée sous la peau du patient, au-dessus de la clavicule. Elle fonctionnera pour le reste de sa vie, interrompant l’activité neuronale responsable des symptômes. À moins qu’un autre traitement ne soit découvert !
 
haut de la page fermez cette fenêtre